La rengaine commence à
être éculée : la recrudescence des infractions routières et le volume,
devenu ingérable, de dossiers de réclamation à traiter contraindrait
l’administration à automatiser à outrance. Ce qui signifie méthodes
expéditives, opacité et surtout dissuasion quant aux réclamations éventuelles.
Le dossier de
l’automobiliste contestataire prendrait-il la voie contentieuse ? Là ce
sont les cours juridictionnelles surencombrées qui évacuent promptement le
recours intempestif, histoire au passage de « faire du chiffre » afin
de se faire bien voir du Conseil d’Etat qui a la haute sur les tribunaux
administratifs. Le dindon de la farce reste, quoiqu’il advienne, le malheureux
conducteur qui doit se faire kamikaze pour persister dans la contestation,
étant entendu une bonne fois que la présomption d’innocence – pas plus que des
droits de la défense dignes de ce nom - ne s’applique pas au droit routier qui
s’avère ainsi exorbitant du droit commun.
Certes, l’accumulation
des réclamations routières a donné naissance au fil des années à un contentieux
de masse proprement monstrueux. Mais en quoi l’automobiliste lambda en
serait-il responsable ou devrait-il en payer les pots cassés ? En tout
état de cause, dans un Etat de droit, rien ne saurait faire obstacle à
l’organisation de sa défense. Rien, sauf les pouvoirs publics qui ont entrepris
de passer à la vitesse supérieure avec la dépénalisation de certains types d’infractions.
Il en va notamment
ainsi des infractions d’alcoolémie ou de conduite sans permis.
Contraventionnaliser certains délits routiers s’apparente à première vue à de
la mansuétude en ce qu’elle affranchit le conducteur en infraction de la
hantise de la comparution au pénal. En réalité, il s’agit ni plus ni moins de
désengorger artificiellement les tribunaux, de la même façon qu’on vide les
prisons afin de résoudre l’aporie du surencombrement dramatique des centres de
détention.
On nous serine, par-dessus
le marché, qu’il s’agit en l’espèce de rendre la justice plus efficace. Comment
peut-on sérieusement le croire ? Prenons ainsi l’exemple des infractions
au stationnement payant dont le contentieux, aux termes de la loi votée fin
2013, relèvera désormais du droit administratif et non du droit pénal.
A ceux
qui s’empresseraient de s’esbaudir à une telle mesure, on objectera que le
droit administratif aura de facto pour conséquence de restreindre le champ de
la contestation. En effet, un arrêté municipal doit être attaqué dans un délai
de deux mois à compter de sa publication, sous peine d’irrecevabilité. Passer
au crible les arrêtés de quelque 36 000 communes est évidemment chose
impossible et l’illégalité de la plupart des mesures prises par les édiles n’apparaîtra
que trop tard.
Cela signifie clairement que nombre de ces mesures, entachées
d’irrégularité ou simplement illégales, passeront ainsi à travers les mailles
du filet du recours contentieux. Qui oserait prétendre que le droit y trouvera
son compte dans la mesure où les automobilistes se verront ainsi privés du
pouvoir de se défendre ?
Sans compter qu’en
matière de stationnement payant, on devrait assister à l’horizon de 2017 à une
explosion des montants des amendes, à la mesure de l’endettement de certaines
communes. Au surplus, comme c’est déjà le cas pour certaines opérations telles
que l’enlèvement des véhicules en fourrière, les sommes provenant de ces
amendes ne transiteront plus par les services de l’Etat mais seront directement
récoltées par les communes, celles-ci s’empressant d’en sous-traiter la gestion
en recourant aux services d’un organisme public ou privé. On peut déjà prévoir,
sans crainte d’erreur, que le résultat en sera un surcroît d’opacité au
détriment des conducteurs.
Une justice rapide,
voire expéditive, efficace dans la sanction et ne reconnaissant qu’en théorie
les droits de la défense. Ainsi se trouve exaucé dans les faits l’idéal de
Ségolène Royal, cette laudatrice émerveillée de la justice chinoise …