L’Etat
privatise des pans entiers de la sécurité routière sans pour autant en avoir
évalué tous les risques.
Il est cocasse qu’une
telle tendance se dessine sous un gouvernement socialiste – même s’il est vrai
qu’il se déclare aujourd’hui social-démocrate – mais les faits sont avérés :
des pans de la sécurité routière sont déjà privatisés ou sur le point de
l’être.
On sait que, depuis
2010, les radars de vitesse ne sont plus contrôlés par l’Etat mais par le
constructeur même de ces radars à savoir la Sagem :
c’est, en effet, cette dernière qui a passé l’appel d’offre puis désigné le
prestataire de service en charge de ces contrôles, SGS Qualitest Industrie. Certains poussèrent en leur temps des cris
d’orfraie, parfaitement justifiés au demeurant. Mais l’Etat ne s’est pas ému d’une
telle confusion entre juge et parties.
Il en va pareillement pour
le Centre de Rennes en charge du contrôle automatisé, qui fait appel à un
nombre croissant d’entreprises privées, parmi lesquelles Steria ou Anaya qui
assument la responsabilité de plusieurs aspects de la chaîne de contrôle de
sanction automatisée. A quand, les PV délivrés par des privés ?
D’ailleurs qui n’a déjà
vu, dans certaines de nos villes, des agents de la police municipale effectuer
des rondes dans les véhicules même de la fourrière privatisée ? Une
connivence plutôt troublante mais qui ne paraît pas non plus gêner nos édiles.
Tout ce beau monde prétend
fonctionner selon les critères bien connus de l’efficacité et de la
rentabilité. Ces critères exigent une recrudescence drastique des sanctions et,
tout particulièrement, de la verbalisation. Que celle-ci soit justifiée ou non,
libre au « contrevenant » supposé de se lancer après coup dans le
parcours du combattant de la contestation.
Viendrait-on à s’en
étonner que la réponse est toute prête : sécurité routière, encore et
toujours. Le grand mot est lâché et il ne souffre aucune réplique. Pour autant,
tous les moyens seraient-ils bons ? Voire.
La tendance est
dangereuse et nécessite à tout le moins une surveillance étroite afin d’éviter
les dérives de collusion, conflit d’intérêt quand ce n’est pas de la corruption
caractérisée.
Voici à présent que l’Etat
se lance dans la privatisation des examens du permis de conduire. Prenant le
prétexte du racket auquel se livreraient les auto-écoles, il vient de décider
de recourir à des centres agréés pour la prise en charge de la partie théorique
de l’examen du permis. Raison officiellement invoquée : réduire le coût
des examens, jugé trop élevé, et réduire les délais d’attente. Selon les
experts, une telle mesure présenterait l’avantage de créer quelque 145 000
places supplémentaires pour le passage de la partie pratique de l’examen, qui
continuerait à être supervisée par les inspecteurs actuels.
Quelle que soit la
pertinence d’une telle mesure, il faut bien mesurer les conséquences du recours
à des prestataires privés dans un domaine aussi sensible que la sécurité
routière, ou même la gestion de la circulation intra-urbaine, qui reste d’essence
régalienne. Si l’Etat venait à se dessaisir trop ouvertement de tout ou partie
de ces domaines, il est à parier que la crédibilité de sa politique sécurité
aurait à en souffrir. Mais peut-être, après tout, qu’un surcroît de recettes
vaut bien un tel sacrifice …