jeudi 19 mars 2015

L’encombrement singulier de l’administration



L'administration peut commettre des erreurs à l'égard des usagers mais il n'est pas normal qu'elle mette tellement de temps à les reconnaître ...quand elle les reconnaît !

Pourquoi l’administration qui est au service du public, en théorie tout au moins, tarde-t-elle tant à reconnaître ses erreurs et, surtout, à les réparer ? Certes, l’erreur est dans la nature des choses humaines et l’on peut concevoir qu’elle en commette surtout en ce qui concerne le droit routier qui est devenu un contentieux de masse ingérable dans un délai normal. Il faut dire que si ce contentieux échappe à ce point à toute maîtrise, c’est que l’administration ne fait pas grand-chose pour résoudre les différends au niveau précontentieux, c’est à dire celui préalable de la réclamation.

Voici donc le cas d’un automobiliste qui s’est fait flasher pour un excès de vitesse mineur : inférieur de 20 km/h au-dessus de la vitesse autorisée. Il reçoit bientôt à son domicile l’avis de contravention et règle l’amende routière sur le champ. Problème : son beau-frère, qui porte le même nom et travaille dans la même entreprise familiale, reçoit le même avis de contravention (même date, même heure, même lieu, même motif). Il y a lieu de préciser que le véhicule appartient à l’entreprise. Le beau-frère remplit donc le volet de réclamation destiné à l’Officier du ministère public pour lui expliquer que l’amende ayant déjà été acquittée (preuve à l’appui), il ne saurait être question de payer deux fois l’amende relative à une même contravention. 

L’OMP ne répond pas. Il ne répond d’ailleurs jamais, ce qui semble constituer une règle : et tant pis pour la transparence de l’administration. S’il ne répond pas, il n’oublie pas pour autant de faire parvenir quelque temps plus tard au beau-frère la même amende mais majorée (à 375 euros) pour défaut de paiement dans les délais requis. Nouvelle correspondance à l’OMP, tout aussi peu suivie de réponse. Quelque temps plus tard, le beau-frère apprend par sa banque que l’administration a opéré une saisie sur son compte du montant de l’amende majorée ainsi qu’une somme de 24 euros correspondant aux frais de recouvrement. 

L’intéressé s’efforce alors de contacter les services de l’OMP, ce qui équivaut pour qui ne s’y serait pas encore risqué à un véritable parcours du combattant. Il finit par joindre une secrétaire qui lui conseille d’écrire. Elle lui précise que l’OMP ne répond jamais au téléphone et que, de toute façon, il est débordé, ses dossiers ayant plusieurs mois de retard.

Le simple sens commanderait d’abord d’en déduire que si l’administration est débordée, ce n’est pas au contribuable d’en subir les conséquences.  Ensuite, force est de constater que l’administration n’est pas débordée pour tout : elle l’est pour répondre à un usager de la route qui conteste de bonne foi, encore une fois preuve à l’appui ; en revanche, elle ne l’est pas pour extorquer arbitrairement à un administré une somme dont il n’est pas redevable et dont il a apporté la preuve irréfutable qu’il ne l’était pas.

Que reste-t-il alors comme solution ? Soit, réclamer à l’administration la restitution de la somme indue mais il est fort à parier que la réclamation se perdra dans les sables. Soit, porter le contentieux devant le tribunal administratif qui, dans un délai plus au moins long, statuera sur la requête. Un conseil : les juridictions administratives étant de plus en plus tatillonnes sur les procédures, histoire de décourager les requérants fussent-ils dans leur droit, vous avez tout intérêt à vous entourer des conseils d’un avocat spécialisé.

lundi 16 mars 2015

Automobilistes vs cyclistes ?



Dans la circulation urbaine, trop de cyclistes font aujourd'hui n'importe quoi. Mais trop d'automobilistes ne tiennent pas compte de la vulnérabilité particulière des cycles.

De nos jours, la circulation des véhicules automobiles en milieu urbain ressemble de plus en plus à une sorte de parcours du combattant. Passons d’abord sur la conception désormais bien ancrée du « piéton-roi ». Elle n’est pas forcément absurde, à condition toutefois que le piéton comprenne qu’il ne peut pas se permettre tout et n’importe quoi : s’engager, par exemple, sur un passage protégé alors qu’il a le feu rouge ou encore s’engager hors des clous sans avoir pris des précautions élémentaires de sécurité c’est-à-dire portable à l’oreille et sans même jeter un coup d’œil sur la chaussée.

Quel que soit le cas de figure, dites-vous bien qu’en cas d’accident, il faudra vous armer d’une batterie de témoins voire le recours à un constat d’huissier pour apporter la preuve que vous étiez dans votre bon droit.

Avec les cyclistes, la situation est non moins complexe car ils sont tout aussi vulnérables que les piétons, en cas de heurt, tout en étant beaucoup plus difficiles à éviter étant donné leur vitesse plus rapide (une vitesse parfois excessive au regard de la réglementation urbaine). Là encore, il est tout à fait normal que le cycliste soit protégé par la réglementation … à condition qu’il ne s’imagine pas que le Code de la route n’est fait que pour les automobilistes. Qui ne voit, au moins quotidiennement, des cyclistes ignorer les feux tricolores, s’engager en sens interdit voire prendre des risques inconsidérés par des dépassements intempestifs ?

Amis cyclistes – car nous n’en sommes pas, fort heureusement, à la lutte des classes – sachez que le Code de la route est également fait pour vous et que, d’ailleurs, certaines de vos infractions à vélo risquent fort désormais de s’imputer sur votre permis de conduire. Il est vrai que le retrait de points est exclu pour le cycliste commettant une infraction et possesseur, par ailleurs, d’un permis de conduire auto. Sachez que vous ne pouvez circuler impunément sur des passages protégés et a fortiori sur les trottoirs. Vous êtes tout autant tenu d’équiper votre cycle conformément à la réglementation en vigueur (obligation de l’avertisseur sonore, de feux de position à l’avant comme à l’arrière ou encore installation de catadioptre à l’avant, à l’arrière ou sur les pédales), cette réglementation étant conçue pour votre sécurité et, notamment, pour les automobilistes puissent vous identifier correctement.

Pourtant, quel que soit le comportement du cycliste, l’automobiliste, de son côté, doit intégrer le fait que le cycle est infiniment plus fragile que l’automobile. Même dans son droit, il doit donc tenir compte dans sa conduite d’un tel comportement, fût-il le plus absurde ou le plus imprévisible : tout particulièrement en cas de dépassement ou en franchissant un carrefour. En effet, les conséquences d’un heurt entre un cycliste et un automobiliste seraient trop disproportionnées et parfois, malheureusement, irréversibles pour les deux parties.

mardi 10 mars 2015

Les autres radars




Les radars feux rouge sont tout aussi redoutables que les radars vitesse. Mais ils offrent davantage de moyens de s'en sortir.

Lorsqu’il entend parler de radars routiers, l’automobiliste pense instinctivement à l’excès de vitesse. Il a en grande partie raison, même si la réalité s’est agrémentée, depuis peu, d’une autre catégorie de dispositifs qui sont autant de pièges pour le conducteur : les radars feux rouges. 

Rappelons qu’aux termes de l’article R. 412-30 du Code de la route, le franchissement illicite d’un feu tricolore expose son auteur à une contravention de 4ème classe, soit une amende de 135 euros assortie d'une perte de 4 points sur le permis. Cette contravention résulte d’un signal émis automatiquement par le détecteur qui édite deux photos du véhicule fautif.

En un sens, l’existe d’un tel dispositif automatisé met un terme aux états d’âme véhéments sur les transitions parfois mystérieuses entre le feu orange (« feu jaune », selon l’appellation officielle) et le feu rouge dont témoignait le tout aussi imaginaire que fameux « orange bien mûr »…

Cette fois pas d’ambiguïté encore que le doute reste de rigueur : ainsi que se passe-t-il si le véhicule franchit le feu tricolore au moment de passer à l’orange ? Réponse : rien, le radar ne réagit pas. Il ne se déclenche qu’au moment précis où le feu passe au rouge. Il n’est donc pas certain que les usagers n’y trouvent pas avantage en évitant des situations pénibles où l’agent des forces de l’ordre sort systématiquement son carnet à souches tout en déclarant qu’il « ne veut rien savoir », sous-entendu de ce qu'il croit avoir vu.

Le doute investit également d’autres situations tangentes : serez-vous verbalisé si votre véhicule se trouve immobilisé au beau milieu de la voie après avoir franchi en toute régularité un feu vert ? La réponse est encore négative, encore qu’il ne soit pas inutile de préciser que le Code de la route (article R. 415-2) réprime les encombrements intempestifs de carrefours. Rappelons que, feu vert ou non, un conducteur ne doit s’engager dans une intersection que si son véhicule ne risque pas d’y rester immobilisé et d’empêcher le passage des véhicules circulant sur les autres voies.

Autre cas : le franchissement du feu rouge à son corps défendant, afin de laisser passer un véhicule d’urgence (ambulance, véhicule de police ou autre véhicule d’intérêt général prioritaire) ou sur injonction d’un agent des forces de l’ordre, laquelle prévaut sur la signalisation en place. C’est de toute évidence le cas le plus litigieux car il appartiendra alors au propriétaire du véhicule flashé de faire la preuve de sa bonne foi et de démontrer la force majeure : ce qui équivaudrait à poursuivre la voiture de police ou l’ambulance que vous auriez laissé passer, à seule fin d’obtenir une attestation que, de toute façon, vous n’avez pas la moindre chance d’arracher. Précisons, à toutes fins utiles, que le fait de ne pas se soumettre à une telle obligation de priorité vous expose à une contravention de la 4ème classe, soit 135 euros d’amende (article R. 415-12).

La contestation d’un feu rouge constaté par radar est identique à celle d’un excès de vitesse constaté par contrôle automatisé. Vous pouvez tout aussi bien contester être l’auteur de l’infraction sans même désigner un quelconque conducteur : le cliché photographique étant pris par l’arrière (radar dit « de fuite ») le conducteur ne peut jamais être identifié par définition. Vous ne perdrez donc jamais de point de permis, de ce chef.

Il en va autrement en ce qui concerne l’amende pécuniaire laquelle, tout comme les autres infractions, relève de la responsabilité du titulaire de la carte grise. Sauf si le propriétaire du véhicule parvient à prouver, sans pour autant désigner là encore le véritable auteur de l’infraction, qu’il ne pouvait être le conducteur du véhicule incriminé au moment de l’infraction (témoignages, billets d’avion, relevés de carte bancaire, etc). Dans ce cas, le juge ne pourra condamner le propriétaire du véhicule fautif ni au paiement de l’amende ni à une privation de points de permis. Mais attention : certains juges sont particulièrement tatillons à cet égard et il vaut mieux s'entourer des conseils d'un spécialiste de la jurisprudence.

mercredi 4 mars 2015

Ne nous laissons-pas impressionner !



Pas de stress inutile lors d'une interpellation, surtout si vous n'avez rien à vous reprocher. Ce que prétendent les forces de l'ordre n'est pas forcément vérité d'évangile.

Il serait vraiment regrettable que les forces de l’ordre qui ont connu, et c’est justice, leur heure de noblesse le 14 janvier dernier, se laissent glisser dans des travers consternants par des « fiers-à-bras » débiles qui n’hésitent pas à abuser de leur pouvoir.

La scène se passe à Megève en plein après-midi. Un 4 x 4 roule tranquillement dans le centre-ville et s’apprête à stationner. Déjà, les passagers du véhicule ont décroché leur ceinture de sécurité en prévision de l’arrêt. Un ultime feu rouge et là, c’est le psychodrame. Un gendarme surgit, frappe de son poing le pare-brise du véhicule et enjoint le conducteur de s’arrêter … comme si d’ailleurs ce n’était déjà fait, le véhicule étant immobilisé par le feu rouge.

Tout à son agressivité vengeresse, ledit gendarme ne perdit pas de temps à saluer les automobilistes, comme c’est pourtant l’usage élémentaire de courtoisie, et se mit à menacer avec véhémence le conducteur du véhicule un peu interloqué. D’aucuns, observant la scène de loin, auraient pu croire à l’heureuse interpellation sur la voie publique de quelque terroriste islamique ou autre individu recherché, mais non ! Il ne s’agissait que d’honnêtes citoyens, ne se signalant ni par un comportement inapproprié ni par quelque dérapage verbal répréhensible. Des citoyens respectueux de l'ordre et de ses représentants, le conducteur étant même un guide chamoniard de haute montagne unanimement respecté par le PGHM (Peloton de gendarmerie de haute montagne). 

Alors pourquoi de telles menaces ? Tout simplement parce que les trois passagers du véhicule avaient décroché leur ceinture de sécurité quelques secondes avant le moment où ils auraient dû le faire. Au-delà du caractère vétilleux et presque comique du procédé, quasiment tiré d’une scène de Louis de Funès, on pourrait en déduire, le sourire aux lèvres : bon, mais après tout la loi c’est la loi et ce gendarme – fût-il adepte du rendement ou, plus sûrement, du traditionnel « je ne veux rien savoir » -  n’aura fait que l’appliquer. Soit ! Mais à supposer même qu’il fût là pour faire respecter la loi, justement, la suite aurait tôt fait de nous convaincre que ce représentant de la maréchaussée n’en avait lui-même qu’une connaissance passablement approximative.

En effet, le gendarme menaça le conducteur, qui avait conservé sa ceinture attachée, à la différence de ses passagers, de lui infliger une amende de 750 euros (contravention de 4ème classe) et de 3 points de permis pour chacun des trois passagers fautifs : soit au total une amende de 2 250 euros et un retrait de 9 points ! Sur ce, le représentant de l’ordre releva le numéro de plaque minéralogique du véhicule et disparut avant même que le moindre dialogue pût s’engager.

La leçon de cette mésaventure est tout de même cocasse car, en réalité, le conducteur du véhicule incriminé ne risque strictement rien. Soit le gendarme a voulu jouer les « durs » et les « justiciers » - ce qui n’est pas tout à fait sa mission - soit il ignorait la loi et en l'espèce les modalités d'application de l'article R. 412-1 du Code de la route -  ce qui est déjà plus gênant - soit encore il ne se trouvait pas dans son état normal. Toujours est-il que la règle est la suivante : le propriétaire ou le conducteur d’un véhicule ne peut être tenu responsable pécuniairement d’infractions commises par ses passagers (sauf si ceux-ci sont mineurs, ce qui n’était pas le cas) ; en outre, aucune faute ne pouvant lui être personnellement reprochée, il ne se verra bien évidemment retirer aucun point de permis.

Au demeurant, même si, par extraordinaire, le conducteur était passible d’un retrait de points, viendrait alors à s’appliquer la règle des « deux tiers » : pour une même infraction, il ne pourrait perdre de points que dans la limite des deux tiers de son quota de points (donc 8 au maximum). En tout état de cause, il est tout bonnement impossible qu'un conducteur se voie infliger un retrait de 9 points d’un bloc.

En conclusion, il est à espérer que le gendarme de l’histoire, lorsqu’il enfourche sa moto, ait une connaissance moins floue du code de la route. Il en va, en effet, de la sécurité d'autrui. Il est également à espérer qu'un tel comportement d'un représentant de l'ordre ne soit que marginal, ce qui est heureusement plus que probable.

Le problème, on ne le répétera jamais assez, est que, sous couvert d’efficacité, l’instauration d'une automatisation de la sanction aboutit à déconnecter celle-ci de la commission, réelle ou supposée de l’infraction : en sorte qu’il devient plus difficile de contester, ce qui est sans doute le but recherché par l’administration. Souhaitons en tout cas que, dans son rapport qui donnera lieu à un avis de contravention automatisé que l’intéressé recevra à son domicile, le gendarme retrace l’exacte vérité des faits et ne la modifie pas a posteriori au gré de son humeur, fort de ce que sa parole d’assermenté compte davantage que celle des gens qu’il verbalise. Par bonheur, dans notre cas de figure, il y avait des témoins fiables et impartiaux. Ceci est crucial au moment de passer devant le juge, dès lors que le spectre de la mauvaise foi risque de biaiser le débat.

lundi 2 mars 2015

La faute à « pas de chance » ?



Certains accidents sur la voie publique n'ont pas de responsable sur le plan juridique. On dit alors que "c'est la faute à pas de chance". Mais la chance a bon dos ...

Un conseil, amis automobilistes : s’il vous arrive, en circulant sur la voie publique, de rouler sur une ornière, crevasse ou nid de poule, et si cela occasionne des dommages à votre véhicule, mieux vaut vous entourer d’une batterie de témoins, de vous munir d’un appareil photographique performant (ou, à défaut, d’un smartphone de dernière génération) et d’avoir sous la main le numéro de téléphone d’un huissier de justice.

Le conseil n’est pas superflu, à considérer la triste mésaventure d’une jeune automobiliste bien sage, jamais verbalisée et encore détentrice de la totalité de ses points de permis. En cette soirée de décembre, sur le coup de 19 heures, elle eut l’infortune de rouler sur une de ces anomalies de la chaussée en suivant tranquillement un autre véhicule. Résultat : son pneumatique fut gravement endommagé et elle dut le faire réparer chez un vulcanisateur du quartier, situé à une centaine de mètres du lieu de l’accident.

La vitesse étant hors de cause - elle suivait un véhicule qui, lui-même, ne pouvait aller bien vite en cet endroit de centre-ville à une heure où le trafic est important – de même qu’une éventuelle inattention de sa part étant à exclure, notre automobiliste se retourna contre l’autorité municipale pour obtenir réparation du préjudice qu’elle avait subi, pour défaut d’entretien et à tout le moins pour défaut de signalisation d’une défectuosité sur la voie publique.

La réclamation gracieuse étant vouée à l’échec – rares sont les autorités publiques, qui joueront toujours sur le temps et sur la lassitude des plaignants, à reconnaître d’emblée leur responsabilité – le tribunal administratif fut saisi. Il le fut en 2011 et, comme de juste, l’affaire passa à l’audience en … 2014. 

Mais passons. Le dossier pouvait sembler limpide à n’importe qui : le préjudice était avéré, sur la foi d’une facture de réparation du pneumatique produite par la plaignante ; l’état du pneumatique, un instant bloqué par l’excavation fautive, était tout autant établi sur la foi d’une photo prise par l’IPhone de la plaignante, le nom de la rue figurant sur ladite photo ; le témoignage du propriétaire d’un bar jouxtant l’endroit de l’accident fut également joint au dossier ; sur ce, on apprendrait que, l’instabilité du revêtement de la chaussée étant chronique à cet endroit, celui-ci avait dû être refait trois mois auparavant l’incident survenu à notre automobiliste ; que, d’ailleurs, cet incident aurait dû être évité car l’affaissement de la chaussée avait commencé de se former plusieurs heures auparavant, à dire de témoin ; qu’au surplus, un autre automobiliste était resté bloqué dans cette même excavation au point qu’il avait fallu quérir une voiture de remorque pour dégager le véhicule sinistré ; qu’en tout état de cause, les autorités municipales s’étaient abstenues de signaler la présence d’une anomalie de la chaussée.

Ce dossier était limpide pour n’importe qui mais apparemment pas pour la justice. Malgré tous ces éléments qui, mis bout à bout, constituaient des faisceaux d’indices plus que probants, la juridiction administrative rejeta purement et simplement la plainte de notre automobiliste. Les motifs avancés furent d’ailleurs divers et variés, nos juges ayant – quel mauvais esprit prétendrait le contraire ? – une certaine imagination. Il fut ainsi allégué que les photos produites au dossier n’étaient pas nettes – même si l’on peut présumer que tout automobiliste n’est pas d’instinct, dans l’affolement de l’embouteillage ainsi créé par un accident, un photographe professionnel. Son témoignage produit ne fut pas retenu – vous pensez, le témoignage d’un bistrotier ! Pis encore, la défense classique développée par l’autorité municipale fut retenue dans son intégralité, à savoir le manque de causalité entre l’accident – encore heureux que notre automobiliste ne fût pas traitée de menteuse – et la responsabilité publique. 

Des mots vides de sens, un juridisme qui défie le bon sens commun. Que faire face à une telle mauvaise foi ? Faire appel et repartir pour deux ou trois années supplémentaires ? Sans doute pas. Dans l’absolu, il faut simplement être encore plus procédurier sinon plus vicieux que ceux qui sont responsables d’accident. Encore faut-il pouvoir s’entourer d’un luxe de précautions : ce qui prend du temps et coûte de l’argent, souvent davantage que celui qu’on peut espérer récupérer. Dans la plupart des cas, hélas, le jeu n’en vaut pas la chandelle. Peut-être eut-il fallu, pour être crédible aux yeux de la justice que notre automobiliste ait été gravement accidentée. Evidemment, le must eut été qu’elle décédât ! Décidément, le mieux sera toujours l’ennemi du bien.