Accentuant
sans cesse sa répression aveugle envers les automobilistes, l’Etat conduit sa
politique de sécurité à une impasse dangereuse.
Plus les preuves se
multiplient et plus les pouvoirs publics s’enferment dans leurs contradictions.
Preuve de quoi ? Tout simplement de ce que la sacro-sainte politique de
sécurité qu’on nous assène quotidiennement n’en est pas vraiment une et que ses
impératifs ne relèvent en réalité que d’une rentabilité financière bien
comprise.
Hier était dénoncée à
juste raison l’inadéquation foncière entre les sites d’implantation des radars
de détection de vitesse et les lieux considérés comme les plus accidentogènes. Face
à cette dénonciation, les arguments des pouvoirs publics s’étaient assez
lamentablement empêtrés et n’étaient en rien convaincants.
Cette fois, l’excellent
magazine hebdomadaire Auto-Plus
publie un classement des policiers qui verbalisent le plus sur les routes,
établi d'après un document présenté comme fiable et dont il n’existe aucune
raison de remettre sa sincérité en cause. Selon cette publication, une prime d’un
montant de 600 euros serait même octroyée aux unités se situant en tête du « hit-parade »
hiérarchisant les performances des neuf compagnies autoroutières CRS et des 22
unités de police motorisée. Un nombre de points serait ainsi accordé à chaque
unité en fonction du nombre de PV distribués au cours de l’année écoulée, les
cumuls de points servant à distinguer les deux unités et les deux compagnies
les plus performantes : en clair, celles qui sont destinées à recevoir la
prime en question. Aux dernières nouvelles, pour le classement établi de juin
2014 à mai 2015, the winners are :
les
unités d'Ile-de-France Nord et Ile-de-France ainsi que, pour les motards, celles
de Pau et Reims.
Que les forces de l’ordre
chargées d’assurer la sécurité sur nos routes obéissent à une politique du
chiffre de plus en plus effrénée, chacun s’en doutait un peu. Mais le fait d’en
administrer la preuve tangible n’est jamais inutile et présente, en tout cas,
le mérite de couper court au mépris que les pouvoirs publics expriment
généralement envers ce genre de « fantasme » forcément populiste,
cela va sans dire.
Nul doute, d’ailleurs,
que l’Etat s’échinera à trouver tant bien que mal une parade crédible en
prétextant par exemple, faisons-en le pari, qu’une prime de motivation ne peut
faire de mal. Ah bon ! Pour ma part, j’avais la faiblesse d’imaginer que
le seul souci de préserver la sécurité de nos concitoyens sur les routes était
déjà en soi une source de motivation.
Au-delà de la simple
incitation, force est d’admettre, contrairement à ce que laisse entendre l’Etat,
que la répression demeure plus que jamais privilégiée par rapport à la
prévention. Ensuite, on ne peut que pointer du doigt le caractère malsain d’une
politique du chiffre indifférenciée. Celle-ci expose, en effet, les policiers
aux pressions croissantes de leur hiérarchie - sans parler de la concurrence
obligée entre collègues - au risque d’occulter définitivement leur capacité de
discernement. Ainsi, plus que jamais régnera sur nos routes le sempiternel « je
ne veux rien savoir » d’une maréchaussée impénétrable aux arguments, pas
toujours absurde, des automobilistes. D’où un fossé qui est voué à se creuser
encore davantage entre les usagers de la route et les forces de l’ordre avec, à
la clé, une sanction de moins en moins acceptée et, corollairement, la
tentation de plus en plus manifeste pour les cibles de contourner les règles en
vigueur. Sans parler, bien évidemment, de la différence de traitement des
conducteurs selon qu’ils relèvent ou non d’une région où la répression s’avère
efficace.
Avec de telles
réalités, la politique de sécurité va tout droit dans le mur pour faire fi de son
acceptabilité sociale. Une répression sans cesse plus aveugle sur nos routes ;
un système de verbalisation de plus en plus dématérialisé et ne laissant a
priori au conducteur que peu de chance de prouver sa bonne foi voire son
innocence ; une charge de la preuve qui, d’ailleurs, incombe théoriquement
aux services de l’Etat mais qui, à l’instar de ce qui se passe en contentieux
fiscal, se déporte de plus en plus sournoisement sur l’automobiliste ; une
justice expéditive, qui n’admet plus d’appel en matière de retrait de points ;
des référés suspensions traités de manière quasi automatique par voie d’ordonnance
et interdisant en pratique à l’avocat de plaider correctement la cause de son
client. Serait-ce du non droit au « pays des droits de l’homme » ?
On en jurerait.
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